Dans Super Mario 3D Land, sorti le week-end dernier, ce n'est pas un mais deux costumes "non standards" que nous croisons : le costume de Mario Tanooki et le costume de Mario Boomerang.
Le Mario Tanooki date de Super Mario Bros 3 (1988, au centre) à ne pas confondre avec le costume de raton laveur plus fréquent (qui est plus discret, à gauche, et se contente des oreilles et la queue). Il y a 23 ans, le costume de Tanooki cumulait les avantages du simple raton laveur (l'envol et la queue pour frapper des ennemis et des blocs) avec la possibilité de se transformer en statut de pierre (à droite). Dans Super Mario 3D Land, depuis une semaine, le costume de Tanooki ne permet plus de voler ...quant à la possibilité de se transformer en pierre ...mystère !
Dans Super Mario 3D Land deux costumes marquants donc : le Mario Boomerang et le Mario Tanooki. Au jeu de l'influence, la queue a gagné plus de followers que le boomerang. Dans le cas de l'appendice tigré, c'est le monde entier qui est passé sur le billard pour se faire greffer.
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Notes :
Merci à Zouiguipopo (sa chaine ici) pour la jolie capture de milieu de cet article (le climax de cette démonstration !).
Merci à Matilde Lizé (de Le Point) pour son inspirant article de cette semaine
L'arbre Tanooki est un chainon manquant
Un arbre est le la.
L'histoire de l'épisode - très sommaire vous vous en doutez - commence par un arbre dont le tronc possède lui-même une jolie queue rayée. Par ailleurs - levez la tête pour vous en rendre compte - cet arbre fourmille de feuilles marrons ...les mêmes feuilles marrons qui faisaient pousser les queues de raton laveur, il y a plus de 20 ans. Il s'agit de "l'arbre Tanooki" ! Le chainon qui nous manquait depuis deux décennies pour comprendre le rapport entre la forme de l'item (la feuille) et le résultat sur Mario (la grosse queue rayée).
En 1988 : une feuille comme item, une queue de raton laveur comme effet (!) ; en 2011, enfin, le chainon manquant : un arbre-queue de raton laveur qui lance l'histoire et ce monde de queues (3 screenshots de l'arbre Tanooki dans Super Mario 3D Land)
La greffe généralisée du bestiaire
L'histoire débute donc par la queue, elle continue dans la même direction : le Mario Tanooki devient le costume préféré des joueurs - tellement pratique pour se diriger dans l'espace - mais le plombier n'est pas le seul a profiter d'un tel "tail enlargement".
Que d'eau, que d'eau. Et que de queues, que de queues !
La queue, c'est même le nouvel élément que se partage cet univers, aussi important et transversal que la 3D d'affichage. Petit "caudorama" :
Tous les ennemis héritent de la queue de Super Mario (l'équation est : "Bullet Bill ; Bowser ; Goombas... x queue")
Même le stressant Bob-Bomb est contaminé et devient stressant puissance 2
Enfin, voici que Peach porte elle aussi le costume (Merci à Zouiguipopo pour l'image - cliquez ici pour accéder à sa chaine Youtube)
Des décors et des ennemis croisés des dizaines de fois ?
Il y a quatre jours, Le Point appréciait l'originalité de l'opus : "le titre phare de la 3DS foisonne de bonnes idées et transpire de maîtrise dans la construction de niveaux". La journaliste, Mathilde Lizé, contrastait cependant son point de vue "même s'il utilise des décors et des ennemis croisés des dizaines de fois"
Cette double constatation aurait pu être lancée à chaque épisode de la série (exception faite, sans doute, de l'exotique et monomaniaque Super Mario Sunshine) car Mario est à la fois inventif et conservateur, selon que l'on considère les doigts ou les yeux.
Article disponible au trois w point lepoint point fr (ou en cliquant ici)
Super Mario est inventif dans son gameplay, conservateur dans son univers. Depuis les années 1990, les doigts sont vraiment plus surpris que les yeux. Les plates-formes sont tout sauf plates, elles se tordent dans tous les sens pour provoquer de nouvelles acrobaties ; les formes visuelles, quant à elles, restent les mêmes ou quasiment - tout au plus se contentent-elles de se combiner les unes les autres (apparition d'une fleur-nuage, apparition d'un fantôme-queue de castor...). Ce sont ces combinaisons de formes que nous allons regarder de plus près.
Visuellement, Mario n'invente jamais rien de nouveau ?
Dans chaque épisode plate-forme, Super Mario ne pose que très peu de nouveaux éléments graphiques, pratiquement aucun même : l'abeille (adjuvants + costume) en 2007 ? quelques nouveaux robots (ennemis) en 2010 ?).
Toujours, y voit-on : des étoiles ; des champignons ; des briques ; des nuages ; des fleurs ; des tortues ; des marteaux ; des bombes ; des petites ailes blanches... Comme si le jeu avait déjà sa table périodique des éléments de base, une table figée, et à partir de cette palette d'éléments, Super Mario compose. Ce sont des ingrédients, des particules élémentaires restreintes, des têtes d'épingle entre lesquelles Nintendo tend des fils : chaque jeu brode sans cesse pour créer des mélanges inédits.
Depuis vingt-six ans, dans le "Super-Mario-Land", pas de carbone (C), d'azone (N), ou d'oxygène (O) mais du Champignon, de la Brique, du Nuage, de la Tortue... et de plus en plus de combinaisons / permutations / changement de statut de ces éléments là.
Les éléments de bases que sont l'étoile, la fleur ou la brique sont des vedettes. Combien de T-Shirts, de fonds d'écran, de porte-clef, de stickers muraux leur rendent hommage aujourd'hui ? Ils sont aussi importants que les personnages ...et certains personnages sont même contaminés par ces éléments.
Une partie de la "table périodique" de Super Mario (la plupart des éléments présents depuis Super Mario Bros, 1985) : la tortue ; les petites ailes, la fleur, le tuyau, la plante pirhanna, le scarabée, le champignon, le fantôme (1988), le nuage, le bloc/la brique, l'étoile, le goomba (variante deu même concept de champignon).
En réalité, la frontière entre ces éléments et les personnages est mince, de plus en plus mince : Peach est symboliquement proche du champignon ; Harmonie est terriblement proche de l'étoile ; Daisy, qui signifie marguerite en anglais se rapproche - depuis quelques années - de la fleur.
A gauche, l'item dans sa première forme ingame (Super Mario Bros, 1985) puis l'item dans sa forme "artwork" récente ; ensuite, la princesse "associée" à l'item, comme s'il s'agissant d'une "essence intime" : respectement Peach la princesse Chapignon, Daisy et Harmonie ; enfin, à droite, les signes visibles de cette connexion avec l'item en question : la princesse Champignon et ses valets champignons (Super Mario 64), Daisy et ses coups spéciaux très fleuris (Mario Power Tennis), l'évanessante, diaphane et lévitante (!) Harmonie et ses Luma étoilés. (Merci au Dr. Lakav pour l'inspiration)
Parfois cette frontière entre l'objet et le personnage est carrément inexistente : Toad n'est qu'un personnage-champignon ; Bob-omb n'est qu'une bombe-personnage ; Twonp n'est jamais qu'une grosse brique avec une étincelle de vie.
Des personnages proches des objets et inversement
La transformation en boss
Autre déclinaison, l'augmentation du statut des petits ennemis en gros ennemis.
Premier exemple, dès Super Mario Bros, Bowser, le Boss tortue géante est la déclinaison version maouss costaud d'une tortue de base (dont la première apparition date de Mario Bros, 1983).
Entre Koopa et Bowser, le lien est évident
Mais la tortue n'est pas la seule à "grossir comme un boeuf" au cours du temps ! Tous les petits ennemis ont ce potentiel de méchanceté qui, un jour, éclate au grand jour.
De même que Koopa a mené les créateurs en 1985 à Bowser, six autres déclinaisons de petits ennemis/items en boss : celle la bombe (Bob-bomb) ; de la brique ; du poulpe (Blooper) ; de la plante Pirhanna ; du goomba ; et de Boo.
Les contaminations des décors
Ici, quelques écrans montrant des petits items élevés au rang de "cathédrale", ou plus modestement en décor.
Le cas de la tortue !
Autres déclinaisons de la tortue : elles sont multiples. Entre autres : le gentil Koopa Troopa (Super Mario 64) ; la famille de koopas (Super Mario Bros 3) ; et une collection non exhaustive de coquilles et de koopas en tous genres (multi-source).
Les contaminations des costumes de Mario
Et puis, surtout, il y a les contaminations de Mario :
- le "Mario qui vole" de Super Mario 64 est un "Mario x les petites ailes blanches" (que portaient déjà, d'ailleurs, certains koopas depuis 1985 dans Super Mario Bros ; puis aussi les gombas depuis 1988 et Super Mario Bros 3 ; etc.), il y a eu transfuge ;
- le "Mario marteau" (Super Mario Bros 3 puis New Super Mario Bros sur DS) est un "Mario x les marteaux" (marteaux que lançaient les frères du même nom dans Super Mario Bros ; à moins que ce marteau ne remonte à 1981 et Donkey Kong ?)
- le "Mario nuage" (Super Mario Galaxy 2) est Mario x le nuage (Nuage qui transporte Lakitu depuis Super Mario Bros).
Pratiquement tous les costumes suivent cette règle. Rien ne tombe jamais du ciel, tout est à puiser dans le socle de la saga, écrit depuis 1985 (voire 1981). Une licence terrienne, obsédée par elle-même : son histoire (elle sait d'où elle vient) et par l'idée de la cohérence (elle propose un monde cohérent, homogène, remplie de "fils tendus").
Récapitulatif des ennemis de Super Mario Bros (1 ou 3) qui vont directement inspirer des déclinaisons de costumes dans les épisodes suivants (le premier exemple, le scarabée donnant le rarissime costume de frère marteau de Super Mario Bros 3 est un peu fallacieux : il eu fallut plutôt mettre la photo d'un frère marteau, j'ai créé ce montage en vue d'une présentation universitaire, le lecteur d'un blog étant plus difficile à arnaquer qu'un Professeur des Université, je préfère préciser)
Le pourquoi du comment de la queue omniprésente
On l'a vu depuis le début de cet article, dans les Super Mario, la cohérence est très importante. La cohérence est-elle que les ennemis suivent toujours le même chemin que le héros de l'histoire (ou inversement). Par exemple, les ennemis finissent par vivre comme Super Mario, le changement d'échelle dans certains niveaux de Super Mario Bros 3 ou dans d'autres épisodes (Super Mario 64, etc.). Dans les épisodes qui mettent en scène Baby Mario, nous rencontrons souvent des baby ennemis (et l'aventure se conclut par Baby Bowser). De même, encore plus amusant, dans Super Princess Peach, on se souviendra que les ennemis étaient, comme l'héroïne du spin off, cyclothymiques : terassés par les mêmes quatre émotions, de l'euphorie à la détresse.
Les ennemis qui suivent le chemin de Mario : Baby Bowser, un ennemi à la mesure de Baby Mario (ou de "Baby Yoshi" dans Yoshi Story) ; et les ennemis de "mauvaise - joyeuse - triste - bonne humeur !!!!" comme la princesse !
Ici, dans Super Mario 3D Land, pas d'hystéries collectives, il y aura de la "queue" pour tout le monde ! Et c'est donc pour cela que les ennemis possèdent tous leur queue. Cet épisode est placé sous le signe de la queue.
Voilà donc pourquoi, ce qui m'a le plus intéressé dans Super Mario 3D Land ce sont les queues partout. L'exploitation jusqu'au-boutiste de ce principe. La cohérence de l'univers chère à la saga depuis 25 ans qui est, encore une fois, "palpable".
Si la 3D d'affichage a déterminé en grande partie les "choix gameplay" (les prises de vue de "quinconce" mettant l'accent sur les trois dimensions, les plateformes souvent lointaines, les niveaux qui se résument à des chutes vertigineuses, les constructions des pièces parfois en trompe l'oeil, etc.). Le choix de la queue fut tout aussi déterminant pour les choses montrées donc, mais également pour le scénario (ce qu'il en reste dans un Mario !) ...et même pour le gameplay car les ennemis "à queue", qui atterrissent lentement, et changent de cap facilement, sont autrement plus enquiquinants que les autres ! Et ça, c'est à la queue qu'on le doit. CQueueFD.