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9 mars 2012 5 09 /03 /mars /2012 17:13

Mai 2011, sortait Philosophie des jeux vidéo de Mathieu Triclot aux éditions Zones . Peu de suspense : Je viens de finir l'ouvrage et ces quelques lignes n'auront qu'un seul but : vous convaincre de le lire à votre tour. 

 

Le regard sur les jeux vidéo change. Depuis un an, que de livres parus (les années 70-80 de Marcus, la très riche Histoire de Mario de W. Audureau, Start ! d'E. Cario, les 1001 jeux, etc.) et que de dossiers/hors série dans les magazines (encore le mois dernier dans Le Figaro Magazine, ce mois-ci dans CLES). Les jeux, leurs vies, leurs histoires, les supposées conséquences sociologiques... Le jeu vidéo gagne ses lettres de noblesse en passant par la case librairie ou presse dite culturelle. Or, parmi tous les livres, magazines, histoires, recueils, albums... que j'ai eus entre les mains, et même s'il y a beaucoup de choses intéressantes, c'est ce titre que je viens, avec neuf mois de retard, vous conseiller sans réserve. En voici les raisons, accompagnées de trois extraits du livre, comme trois piqûres qui, je l'espère, appelleront la lecture complète de l'ouvrage. Philosophie des jeux vidéo, c'est du costaud. 

      mathieu-triclot.png

        Votre prochain livre et son auteur

 

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Quelques précisions : Je ne connais ni l'auteur, ni l'éditeur, ni la recherche en philosophie. Je n'ai aucun intérêt à en faire la promotion. Si j'ai lu très lentement ce livre, je n'ai fait aucune recherche approdondie sur Mathieu Triclot ou ses travaux de recherche "académiques". Un de ses collègues ou un de ses étudiants trouverait sans doute cet article très naïf - ou réducteur ? - mais j'essaie seulement de démontrer en quoi ce livre s'adresse ne s'adresse justement pas qu'aux érudits des sciences sociales mais à la plupart des lecteurs réguliers de ce blog, pour aller vite : des "geeks" plus ou moins mariophiles (mais toujours beaux gosses et raffinés) - oui, je parle bien de vous ! Je pense que ce livre est, pour vous, un des meilleurs investissements possibles parce qu'il apprendra beaucoup de choses au passionné que vous êtes et qu'il a le mérite d'être un petit pavé exigent, précis et costaud lancé dans un océan de productions souvent sympatiques et nerveuses mais légères.    

 

 

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1 - C'est du costaud car c'est
l'université ?

 

Que l'auteur soit maître de conférence ne nous importe guère ...et peut même inquiéter. Soyons honnète : son background universitaire légitime la démarche autant qu'elle nous fait peur : la recherche c'est parfois - on l'imagine - un univers ultra-spécialisé de micro-disciplines, de chapelles en batailles, de concepts maîtrisés par dix personnes dans le monde, et qui n'ont pas d'autres choix que de tourner en circuit fermé. J'exagère évidemment, par méconnaissance sans doute. 

 

Premier point : oui, le texte de Mathieu Triclot est exigent, demande parfois une lecture lente mais non, il n'est jamais obscur. Et, au delà de la rigueur, l'université a bien une vertu qui nous fait un bien fou, à nous les "geeks" : la sobriété. Tout pour le contenu, le contenant s'efface. Pas d'égo ni de blagues ni de formes extravagantes, ni même de sentiments  et c'est tant mieux !

 

 

Image-1.png

Sur le thème "Philosophie des jeux vidéo", voilà la lecture que donne le site marchand 604republic qui vend ce motif en t shirt. (Un détournement, un gadget : Voilà typiquement ce que nous aimons. Voilà typiquement ce que vous n'aurez pas dans le livre). 

 

 

C'est de l'université, d'accord. Mais, peu importe. D'ailleurs, ce n'est pas une presse universitaire qui édite. Ce qui nous intéresse au premier chef en revanche, c'est la question de la philosophie. Mathieu Triclot est philosophe de formation. Le livre s'appelle Philosophie des jeux vidéo, cet objet est donc un livre de philosophie. Pourtant, une fois le texte parcouru, un constat s’impose : ce n’est pas un livre de philosophie comme on aurait pu s’y attendre. On n’y parle pas philosophie comme dans le cours de Terminale, ni même dans les objets consacrés à sa vulgarisation, assez nombreux depuis les années 2000 (à la télévision ou en kiosque). Quelle différence ? Il ne s’agit pas pour l’auteur de citer les grands noms de la discipline que sont Platon, Pascal, Kant, Descartes, Spinoza… – les plus connus, les "Super Mario de la philosophie" – mais plutôt de partager ses réflexions sur le média jeu vidéo, sur l’expérience que procure le jeu vidéo, sur l’histoire du jeu vidéo.  

 

 

 

super-mario-descartes.jpg

(pardon)

 

 

C’est que le jeu vidéo est clairement le héros du livre et la philosophie n'est pas ici un objet, plutôt un outil. La philosophie, c'est la paire de lunettes pour lire les principales évolutions du "médium" et surtout, pour observer et comprendre ce qu'il nous procure comme sensations. Car si les Pascal et Spinoza restent largemement sur l’étagère, tous les plus grands noms de l’industrie que sont Pong, Space Invaders, Super Mario, Legend of Zelda, Sonic, World of Warcraft… - les plus connus, les "Super Mario des jeux vidéo" – sont quant à eux convoqués et déballés. Le livre débute d'ailleurs par un dialogue entre Socrate et Mario.

 

  socratevsmario.jpg

Le livre débute par un échange d'idées entre Mario et Socrate. Petit passage introductif - seul détournement à la forme un peu "gadget" de ces 240 pages - mais qui permet de lancer une discussion de fond sur la question des jeux vidéo ...et qui confirme que Super Mario est bien LA figure prototypique des jeux vidéo. Et Socrate son équivalent dans la science de la sagesse...  

 

Et que dit cette science de la sagesse sur notre médium peu sage ? Mathieu Triclot parle principalement de l'expérience jeu vidéo. Que ce passe-t-il quand on joue ? Outre les Game Studies, majoritairement anglosaxonnes, ses références en sciences humaines sont plutôt françaises. Le XXème siècle fut riche en sciences jeunes, ouvrant des champs illimitées. Ce livre peut très bien donner envie de lire des anthropologues, des sociologues, des sémiologues, des psychologues, des blogs (pas sûr pour les blogs). 

 

 

caillois-jeux-des-hommes.png

Les philosophes iconiques laissent vite la place à des penseurs du XXème siècle d'horizons plus larges que l'étiquette "philosophie" (ici, le classique lumineux d'un anthropologue ...et à nous l'Agon, l'Ilynx, le Mimicry, l'Alea et le continuum Païda - Ludus : l'histoire des jeux vidéo est une lecture qui donne envie d'autres lectures)

 

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2 - C'est du costaud car c'est de
l'histoire !

 

Autre surprise - et une très bonne surprise pour la plupart d’entre nous - l’histoire des jeux vidéo est bien racontée, séquencée, mise en perspectives. Ce n’était pas dans le contrat de départ (le titre ne le laissait pas présager du moins, la photo de couverture vendait un peu plus la mèche) et pourtant Mathieu Triclot explique très bien les différentes périodes du développement des jeux vidéo.

 

Si les premiers chapitres plantent des bases solides, et investissent les concepts de jeux en général par exemple, ce sera sans doute à partir du quatrième (le premier qui se consacre à une période historique) que le lecteur passionné de jeux vidéo comprendra qu'il tient un très grand livre.

 

TX-0_annees-1960-MIT-.jpg

L'ordinateur TX-0 au MIT, en 1960 : une des machines sur le long chemin des premiers jeux vidéo ; machine mythique à laquelle il manquait pourtant un ingrédient de choix : une interface immédiatement accessible facilitant les essais, les corrections d'erreurs et donc le développement. 

 

 

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Période 1) L'université originelle. L'auteur ne développe évidemment pas tous les moments de son évolution, or, c’est justement les périodes les plus méconnues, lointaines et aguichantes, qu’il creuse en profondeur : notamment la pemière d'entre toute, l'originelle, la période des jeux universitaires : celle qui invite tous les phantasmes, celle où des étudiants nord-américains ont tout découvert ou presque, exploitant la nuit les possibilités d'ordinateurs qui valaient plusieurs dizaine de milliers de dollars. La nuit car la journée, ces précieux - car rares - ordinateurs servaient à des tâches de recherches plus officielles. La nuit car ces étudiants étaient en dehors du rythme de la « vie », l’administration « laissait faire », au grand jour, car ces premiers hackers étaient très doués, avaient une capacité de concentration que les autres, qui passaient les examens classiques, ne pouvaient pas atteindre. Ces premiers ordinateurs demandaient un investissement total. Ces étudiants - en dehors des heures conventionnelles - avalaient les lignes de codes sans discontinuer, et presque aussi assidûment, de la junk food. L’auteur parle d’une symbiose homme/machine, la métaphore est forte mais elle n’est pas gratuite. En voici un aperçu.      

 

 

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1er extrait, LA MACHINE INTIME OU L'ÉCOSTYSTÈME HACKER, p.104  

 

La question est donc : qu’est-ce qui rend, soudain, possible, vers la fin de l’année 1961, un objet comme Spacewar et, par conséquent, à sa suite tout le jeu vidéo ? Il s’agit de comprendre ce que le jeu vidéo hérite de Spacewar et du milieu dans lequel il a été créé. Pour cela, il nous faut effectuer une plongée dans la culture des laboratoires universitaires américains, remonter la chaîne des conditions pour assister à la mise en place de cet écosystème hacker, hors duquel Spacewar est tout bonnement inconcevablenote. Sans hackers, pas de Spacewar.

 

Qui sont les hackers ? Aujourd’hui, le terme est accompagné d’une connotation négative : le hacker est le « pirate informatique », celui qui fait sauter tous les verrous et peut s’introduire dans n’importe quel système. Mais, à l’origine, le mot « hacker » désigne tout autre chose. Le terme est un produit du jargon des clubs d’étudiants du MIT, au premier rang desquels le TMRC (Tech Model Railroad Club), le club de modélisme ferroviaire qui a formé nombre de ceux qui gravitent autour de Spacewar. Un « hack » désigne alors une combinaison ingénieuse, une invention à laquelle personne n’avait encore songé, que personne ne croyait possible avec les moyens du bord, un raccourci qui permet de faire plus vite et plus élégamment. C’est de la technique, mais élevée au rang d’art, appréciée pour sa valeur esthétique, son style, plutôt que pour son utilité. Tous les systèmes sont destinés à être ouverts, démontés, remontés. Le complexe pourra toujours être ramené à ses éléments simples, l’opacité réduite à la transparence d’une compréhension intégrale.

 

Mais, pour obtenir l’écosystème de Spacewar, il ne suffit pas d’une bande d’étudiants consumés par une passion dévorante pour le hack. Il faut encore qu’une nouvelle sorte de machine informatique fasse son apparition. Une machine qui permette la symbiose. 

 
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Ces étudiants se retrouvent en marge selon toutes les catégorisations sociales classiques, il n'empêche que le travail de ces étudiants, pères de la "culture hacker", est très bien intégré, digéré, exploité par le "système université" et même par le système "Etats-Unis". Des intérêts militaires - quel bénéfice que la perspective de la maîtrise des machines ! -  financent largement, par la bande, la génèse des jeux vidéo. Du jeu vidéo ou de la guerre, qui était le "dark side" de l'autre ? Pour de plus amples détails, dirigez-vous vers le livre de Mathieu Triclot. 

 

Spacewar--jeu-video-universitaire-culture-geek-1962.png

Une partie de Spacewar! en 1962

 

L'universitaire offre vraiment un hommage nécessaire, presque une réhabilitation, aux premiers jeux universitaires. Spacewar! en tête. Trop souvent, encore, on fait coïcider les débuts des jeux vidéo avec leurs premiers succès commerciaux Pong (1972). Or, les jeux vidéo ont vécu plus d'une décennie avant que Pong devienne le phénomène que nous connaissons mieux. Et il ne s'agissait pas de bricolages isolés, de débuts maladroits. Coup d'essai  et coup de maître : Spacewar! avait déjà tout ce qu'on peut exiger d'un jeu vidéo. I

 

 

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Période 2) Vertiges mercantiles. L'université constitue donc bien une période en soi, avec des coups de génie, des intérêts propres,  une cohérence interne. Une période qui permet, par contraste, de mieux appréhender la suivante, la période dite arcade. Voici un nouvel extrait éclairant justement, par un habile jeu d'oppositions, le volte face qui fit notre médium pendant les années 70.  

 

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Extrait n°2. DE LA FÊTE FORAINE À L’ARCADE, UNE HISTOIRE DES VERTIGES, p. 128.

 

L’invention de l’arcade relève ainsi d’un double déplacement : c’est d’abord la transformation d’une activité communautaire, sans profit pour ses auteurs, en une affaire commerciale hautement lucrative, assortie, ensuite, d’un transfert géographique, de l’espace public, mais clos, de l’université à l’espace privé, mais ouvert, du centre commercial. Le code qu’on laissait dans le placard à la disposition des autres hackers, ou que l’on échangeait via les revues d’utilisateurs, a laissé place à une marchandise disponible partout où il y a une galerie marchande ; c’est-à-dire partout. Ou comment passer de l’universel abstrait de l’université à l’ubiquité concrète du shopping mall – une magie noire dont le capitalisme a le secret

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Image-4.png

Dieu du vertige demande offrandes : l'arcade ce n'est jamais gagner c'est toujours "essayer de ne pas perdre". 

 

 

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Période 3) Console = télé = famille. Selon Mathieu Triclot, après la période arcade, la période "des consoles reines" opèrent à son tour d'importants changements sur le medium jeu vidéo. Un jeu console représentatif de son support ne peut pas être qu'une simple adaptation d'un jeu d'arcade. Le téléviseur, le salon et enfin (et surtout  !) la mère de famille (qui achète et jette un oeil sur l'activité de son enfant) ne s'y prettent pas tout à fait. L'arcade, c'est un jeu où se sépare d'une pièce de monnaie comme on lancerait une offrande à une divinité, c'est un jeu dans lequel on ne gagne jamais, un jeu dans lequel on prend plaisir à repousser le moment de l'échec (si on ne gagne jamais : "on passe son temps à essayer de ne pas perdre"). Et un jeu console ? C'est très différent. Le téléviseur, le contexte familiale, et l'âge moyen du joueur impreignent en profondeur le médium.

 

Un jeu console (de salon), c'est, selon Mathieu Triclot, le fils légitime qu'aurait eu un dessin animé (= l'univers qui "se déroule" à l'écran) avec une figurine actionnable (= le personnage que l'on dirige). Voici les explications de l'auteur.      

 

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Extrait n°3, LE SALON, LA TÉLÉ, LA PRINCESSE ET MAMAN

 

Mais la relation entre jeu vidéo et dessin animé dépasse la simple opportunité. Le jeu vidéo entretient en effet avec le système du cartoon et du jouet une affinité essentielle. La logique du cartoon s’étend en réalité au-delà du simple placement de produit. Ce n’est pas seulement du temps publicitaire en plus, mais aussi un univers, des éléments d’histoire, qui font défaut au jouet pris isolément. Par contraste, le jouet autorise un rapport actif au personnage, à la figurine que l’on peut équiper, déplacer, installer dans son véhicule, etc. Autrement dit, nous avons d’un côté la figurine, actionnable, que l’on peut manipuler et qui permet de se raconter des histoires tout en jouant, et de l’autre le dessin animé sur lequel le joueur n’a pas de prise, mais qui fournit en contrepartie son lot d’histoires à réinvestir dans le jeu.

 

Or qu’est-ce que le jeu vidéo, sinon la possibilité de réunir les puissances du dessin animé et de la figurine ? Le jeu offre une forme de dessin animé actionnable, dans lequel le joueur/spectateur conserve le contrôle sur le personnage. La figurine est projetée à l’écran, le récit s’accomplit à travers les actes du joueur. Le jeu vidéo réconcilie autour de son lieu privilégié, le téléviseur, les deux facettes de l’industrie du jouet : la construction d’univers narratifs sérialisés et la production de petits personnages actionnables. En matière de télévision, le jouet a donc précédé le jeu (vidéo) à l’écran. L’histoire des jeux vidéo au salon peut s’interpréter comme une forme d’hybridation réussie avec le système déjà en place du dessin animé et de la figurine. De même que Spacewar a dû passer par le parc d’attractions pour accoucher de Pong, Pong a dû passer par le dessin animé et le jouet pour accoucher de Mario.

 

Les témoignages de ce croisement fécond abondent dans les années 1980, sous la forme de ces figures iconiques, qui circulent de dessins animés en jeux vidéo sur l’écran du téléviseur. L’omniprésence de Bandai dans le catalogue de la première console de Nintendo, la NES, est ici particulièrement frappante.

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Dans ces conditions, on comprend que le positionnement "aventure colorée" de l'éditeur et constructeur Nintendo était stratégiquement parfait. Même si Mario est né en 1981 en arcade, c'est le plus grand Super Mario (1985) qui le vrai héros taillé sur mesure pour le téléviseur.

      familiale.png

Au cours de son ascension (dans les années 1980), BigN n'apprivoise pas le médium jeu vidéo dans son ensemble, le tir est plus précis : il crée avec finesse (sur mesure, mais l'acte fut-il conscient ?) des machines et des jeux qui répondent spécifiquement aux critères "jeu vidéo" + aux critères de son nouveau support de prédilection, "le téléviseur familial" (ici, une face de la boite occidentale de la NES)...

 

collection-nintendo-be-gamerz.png

       ...en conséquences, les héros des consoles Nintendo illustreraient parfaitement le mixte entre la figurine et le personnage de dessin animé. On peut en effet acquiescer ; ici, une collection "Nintendo" mêlant jeux pour consoles de salon, consoles portables et jouets dérivés (image volée sur ce site)

 

Digression sur Nintendo ...et Sega. Avec cet éclairage, on comprend que les mêmes années 80 et 90 aient été la période des jeux de plates-formes et d'aventures ... en particulier la période des jeux de plates-formes (avec les "héros de jeux de plates-formes", mascottes de leur maison mère : de Sega à Nintendo, en passant par Hudson ou même Titus). La plates-formes, c'est le genre de la "figurine actionnable" lâchée dans un univers que l'on déroule devant nos yeux (comme se déroule un univers magique, comique ou exotique dans un dessin animé).  

 

Cet éclairage explique aussi pourquoi Nintendo a fait la course en tête toutes ces années. Pour le marché console, le positionnement de Sega est moins "adapté" comme dirait Darwin, Sega propose des jeux à l'esprit arcade  ...avec des exceptions bien sûr ! Son rejeton Sonic, par exemple, correspond bien aux exigences du support télé, comme Super Mario, Kirby ou Legend of Zelda. Sonic est bien le croisement heureux entre une figurine et un dessin animé. 

 

...Quoi que ! Sonic n'a pas perdu totalement la couleur arcade chère à Sega. Sonic est, quand on y pense, un équilibre assez parfait ! ...même si les premiers niveaux offrent souvent un plaisir de jeu plus franc que les suivants. Serait-ce la nature arcade de Sega qui reviendrait au galop dans les niveaux plus lents ...pour pâtiner un peu sur le medium téléviseur ? Quand on transpire l'arcade par tous les ports manettes de ses consoles, que faire de son personnage après deux heures de jeux ?

 


http://img.over-blog.com/600x400/3/29/00/19/bcmc/sega-flippant2.jpg

Si Mario et les autres jeux de plates-formes et d'aventures de Nintendo sont bien les malins mélanges entre une figurine et un dessin animé, Sonic, quant à lui, est issue de la même combinaison à laquelle semblent s'ajouter les ingrédients de l'arcade : vitesse et esprit flipper. La saveur est différente. Maman est sans doute moins rassurée. 

 

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3 - C'est du costaud car c'est
profond !

 

Après avoir décortiquer les principales périodes de l'ascension du jeu vidéo, le reste du livre prend un tour plus politique. Là encore, il y a de quoi avoir peur, ou de quoi voir son enthousiasme redescendre. Cette fois aussi, le contenu est surprenant et dans le bon sens. Le philosophe ne se contente pas d'un os à ronger trop visible. Il évite tous les pièges, pas comme ces guerriers du premier Legend of Zelda NES, qu'un appat détournait de leur mission (protéger l'entrée d'un temple), pour finalement laisser le champ libre à leur ennemi Link.

 

Non, même si le bonbon a l'air bon, l’impact politique d’un jeu ne se résume pas à un message de surface auquel les journalistes accordent souvent beaucoup d’importance (tel jeu de guerre qui dirait que tel camp est le gentil ; tel épisode des Sims qui accorderait le mariage entre homosexuels). Certes, évidemment, ces questions sont importantes mais que disent les jeux vraiment ? Mathieu Triclot décortique plus loin et montre que les Sims, justement, par les calibrages des algorithmes, incitent surtout à la sur-consommation - des personnages d'abord, des joueurs ensuite sans doute - et (comme tous les jeux) ils réduisent le monde à un ensemble de variables numériques.  

 

 

les-sims.png

L'impact politique d'un jeu ne se réusme à ses messages explicites (comme la tolérance des Sims sur les questions de société qui cache, par ses mécaniques, d'autres messages moins visibles)

 

Car oui, le livre propose bien une thèse finale, un parti pris puissant qui embrasse l'ensemble de ce qui a été démontré  au cours des premières pages : le sens des jeux, là où il nous dirige, l'inclinaison discrète mais perpétuelle. Les signes sont  nombreux : géométrisation du monde ; mise à distance psychologique des situations de guerres (utilisation des techniques des jeux vidéo pour créer des guerres "sans se salir", ni les mains, ni les yeux) ; généralisation de la statistique (des algorithmes à décrypter pour mieux avancer) ; etc.

 

Si, en 1900, un philiosophe nous disait que le rire, c'est de la "mécanique plaquée sur du vivant", en 2011, notre philosophe semble nous dire que le jeu vidéo, c'est du "vivant substitué par de la mathématique". Et c'est loin d'être anodin.

 

 

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Philosophie des jeux vidéo
...en conclusion

 

 

De la recherche universitaire ? De la philosophie ? De l'histoire ? Ce livre cumule les casquettes. Les angles d'attaque surtout. Il y a une idée claire par page quand le bouquin en compte 240. Le contrat de départ -  traiter de la philosophie des jeux vidéo - est largement rempli ...et sans doute dépassé. Je ne vous ai pas parlé des grandes filiations "ludiques" que le philosophe met en lumière : dans le brouillard des premiers jeux, l'auteur isole des "dynasties" et montre comment les concepts ont évolué au cours du temps. Les grandes "idées" des jeux (leurs grands apports) sont traitées dans leur "vitalité" et les frontières des nouvelles familles ne sont pas forcément celles que nous attendions. Et s'il s'agissait d'une forme de "journalisme supérieur", d'un livre qui prend le temps de creuser un sujet en profondeur ? D'évidence le moteur est une quête de vérité et les fils tirés, nombreux. C'est vraiment un livre qui m'a marqué : Entre deux images marrantes d'un Pacman en vrai, après la lecture du huitème dossier sur les serious games ou le quinzième sur l'explosion du social gaming, l'objet nous fait bizarre quand il nous tombe sur le coin du nez.  

 

J'ai d'ailleurs découvert il y a peu que l'ensemble du livre est disponible gratuitement sur le site de l'éditeur. De quoi lire quelques passages avant de l'acheter en version papier pour plus de confort :  

 

Zones-Triclot-Zones-gratuit.png

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commentaires

B
<br /> Mario descartes...mais lol j'avoue j'ai ris <br />
Répondre
B
<br /> Je suis justement en train de le lire et il est vrai que c'est un ouvrage remarquable.<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Comme quoi, je ne suis pas le seul à m'y être mis quelques mois après. C'est peut-être un livre dont on va parler longtemps ! :)<br /> <br /> <br /> <br />
R
<br /> pas facile mais j'ai tout lut !! :p<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Je viens de réaliser que le livre en question et même les extraits choisis sont plus faciles à lire que mon article ! :) <br /> <br /> <br /> <br />
K
<br /> Superbe article, vraiment !! Je pense que ce livre mérite un VRAI intêret (d'autant plus que je ne lis quasiment pas de livres ).<br />
Répondre
M
<br /> <br /> Ce livre là mérite en effet d'être une exception :)<br /> <br /> <br /> <br />

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